lundi 21 mai 2007

Du domaine de la lutte

Pierre Boisgontier écrit : le discours "élection piège à cons" de mai 68 n'a rien d'évident. Les situations de 68 et de 2007 sont radicalement différentes. Qu'on parle des Sisyphes de l'action politique me laisse songeur. Si j'étais méchant, je pourrais renvoyer une allusion aux Sisyphes de l'action de base et des luttes permanentes. A un moment ou l'autre, les mouvements populaires se heurtent à la loi et à la répression, personnellement, en cinquante ans d'action militante sur bien des fronts, je n'ai trouvé aucun contre exemple; les pratiques sociales à contre-courant des intérêts établis ont leur limite : l'épuisement des participants et la répression. Les pratiques sans risque n'existent que dans l'imaginaire à moins qu'elles ne se trouvent à leur tour perverties (cfr. certaines branches du mouvement coopératif des consommateurs). Depuis 68, et bien avant, on ne compte plus la foultitudes de luttes et leurs variétés, de LIP à la liberté de l'avortement en passant par Malville et tant d'autres comme celle pour la défense des retraites. Mais rien ne change sans enregistrement dans la loi.
C'est le prima de la formalisation politique qui permet de passer de l'illégalité à la reconnaissance institutionnelle dans les démocraties bourgeoises. L'affaire des OGM est encore là pour le rappeler : il est évident que l'officialisation d'un moratoire était un enjeu important des présidentielles. Comme l'arrêt de Superphénix l'avait été après 97. Sans la victoire de la si décriée "gauche plurielle", on manifesterait encore devant Malville. A combien ?
Je trouve qu'il est dommage et contre productif de persister dans cette opposition entre l'expression "politique" et "les luttes", alors qu'il faut savoir conjuguer les deux. Cela a été un des grands mérites de la campagne de José Bové de promouvoir le passage de l'un à l'autre et ce, en dépit de ceux qui se considèrent comme les propriétaires de l'un ou de l'autre de ces deux domaines. Et puis les élections, c'est une fois tous les cinq ans, ça laisse le temps aux luttes. Les discours sur les nouveaux espaces de pratiques et de liberté permettent à mes yeux d'éluder intellectuellement la question de l'aboutissement des lutte sans formalisation institutionnelle, cela permet aussi d'éviter de traiter la question de l'affrontement, c'est une manière d'éluder que de dire simplement : il faut imaginer. Cela ne suffit hélas pas. Quant à "l'autre rapport au politique" excluant le recours au suffrage démocratique, j'en connais des exemples dans l'histoire de France, comme la prise de la Bastille. J'en ai vécu enfant avec la résistance à laquelle mes proches parents participaient, c'était pas marrant du tout. Le pouvoir au bout du fusil, je connais en dernier ressort ! Qu'on me décrive donc un peu plus précisément ces autres rapports au politique, sinon c'est de l'incantation.
Amicalement,
Pierre Boisgontier.

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